Cyril Richard du Jardin d’étoiles
Interview d’un distillateur
RENCONTRE AVEC CYRIL RICHARD,
ARTISAN DISTILLATEUR DU JARDIN D’ÉTOILES À BELPECH
Cyril Richard est le premier distillateur qui se prête aux questions/réponses de Maison Aromaterii. Son Jardin d’étoiles est situé dans un hameau occitan au sud de Toulouse. Sur 1800 m², il fait pousser (ou laisse s’épanouir !) selon les principes de la permaculture des plantes aromatiques, médicinales, comestibles, à parfum… Fortement influencé par l’alchimie, Cyril n’est pas un distillateur comme un autre. Vous retrouverez une partie de ses hydrolats chez Maison Aromaterii. Portrait d’un passionné du végétal.
Je m’appelle Cyril, je vis à Belpech dans l’Aude à proximité de l’Ariège. Je suis distillateur et « conservateur » agricole. De1996 à1998, j’ai suivi un BEPA en travaux paysagers, amoureux de l’histoire des jardins. J’ai fait beaucoup de « woofing » par la suite, notamment à St Amadou en Ariège. C’est là que j’ai découvert la distillation des plantes auprès de deux passionnés.
Jardin d’étoiles est né en 2015, nourri de mes expériences passées près des cueilleurs, distillateurs, jardiniers… Je viens d’acquérir un terrain qui atteindra près de 8 hectares, cultivés en bio depuis 5 ans sur lequel je vais étendre mon jardin pédagogique et de récolte.
Je vends mes plantes sous différentes formes : tisanes, hydrolats, huiles essentielles, bâtons de fumigation…
J’ai toujours été passionné par les plantes, elles m’accompagnent depuis mon enfance. Ma grand-mère me surnommait affectueusement “Yoplait la petite fleur” en référence au slogan de la marque à l’époque.
A 6 ans, je mettais déjà des plantes dans l’eau que je laissais au soleil : j’expérimentais la solarisation ! Puis j’ai découvert l’alchimie à 15 ans. La distillation est un véritable processus alchimique : on sépare la matière végétale pour obtenir un produit autre que la plante de départ. C’est fascinant…
Je distille avant tout pour obtenir les hydrolats, à contrario de la plupart des distillateurs qui distillent pour l’huile essentielle. J’ai un petit alambic en cuivre de 50 litres. Je cueille les plantes sur mon terrain ou je pars faire de la cueillette sauvage.
Sur mon terrain poussent :
- le basilic sacré ;
- le géranium rosat ;
- la lavande fine
- des menthes diverses : menthe verte, poivrée, aquatique
- l’hélichryse italienne
- et tant d’autres !
Je produis aussi des hydrolats de sureau noir, d’ortie, de plantain… Je vais sur des sites sauvages, loin de toute pollution pour l’origan vulgaire, le thym, le romarin ou le fenouil qui poussent sur le terroir. Je parcours parfois une heure et demie à deux heures de route pour me rendre sur mes spots favoris !
On prendra l’exemple du romarin. Je distille dans mon alambic 8 à 10 kg de plantes. Je fais environ 5 distillations sur l’année de romarin. La distillation dure environ une heure et demie à deux heures. Pour chaque distillation, je récupère environ 8 litres d’hydrolat. L’avantage de l’alambic en cuivre, comparé à l’inox, est à mon sens qu’il délivre un message plus fort. Le cuivre, c’est le symbole de Vénus en alchimie, il garde la chaleur. Olfactivement parlant, je trouve que les hydrolats et huiles essentielles ont une odeur plus agréable à la sortie de l’alambic. C’est la même chose au niveau vibratoire. Les alambics en inox sont aussi plus gros, utilisés dans de très grosses distilleries. On peut aller au-delà de 2000 l. Ce n’est pas dans ma conception de la distillation.
Par ailleurs, j’aime cohober mes hydrolats. Je réutilise donc des hydrolats pour renforcer mes distillations. Ce processus vertueux ne peut toutefois pas être répété à l’infini sinon l’eau finit par se saturer.
Il faudrait pouvoir déterminer le chémotype grâce à une chromatographie en phase gazeuse (CPG). Or cela représente un coût important pour une petite société comme la mienne. Le risque est de vouloir à tout prix obtenir un chémotype particulier et de créer des plantations dans l’unique but d’avoir dans la CPG la molécule recherchée. Cette façon de faire pourrait amener selon moi une perte de diversité. Le chémotype varie évidemment en fonction du terroir mais aussi de la saison. Le corps pourrait nous dire à quoi sert l’huile essentielle si on réussissait à l’écouter, malheureusement on ne prête pas assez d’attention à ce qui se passe à l’intérieur de nous.
Ma vision n’est pas figée et deux routes se distinguent. D’un côté, je suis pessimiste concernant la disparition des espèces, la surexploitation des ressources, la protection du vivant. Je rêverais d’une pratique de la distillation qui mettrait en avant les hydrolats plutôt que l’huile essentielle. Chaque foyer pourrait avoir un petit alambic pour distiller et prendre soin des membres de la famille en redevenant acteurs de leur santé. Il y aurait plus de petits producteurs de proximité… Les huiles essentielles devraient être réservées au luxe, la parfumerie, au spirituel comme dans les traditions ou aux gestes d’urgence. Les hydrolats sont bien plus adaptés pour rééquilibrer un terrain et ont un rendement nettement supérieur.
D’un autre côté, il y a une tendance planétaire de prise de conscience sur le développement durable, l’impact de l’homme sur la terre. Peut-être pourrions-nous être à l’avenir plus respectueux du végétal, faire reculer l’aromathérapie intensive, moins impacter le vivant et le sauvage ? Il faut parfois être acculé pour rebondir. Le moment est venu pour un rebond de l’aromathérapie.
Cyril Richard est un personnage à part entière. Son approche de l’aromathérapie est très intéressante, pas forcément académique et absolument pertinente ! Notre coup de cœur à l’atelier ? Ses hydrolats non aromatiques d’ortie, de mauve, de plantain ou de sureau : un délice olfactif et gustatif. Nous sommes aussi très intrigués par ses hydrolats dédiés aux signes astrologiques. À tester très vite ! Nous aurons l’occasion d’en rediscuter prochainement…